HISTOIRE

Le bijou: un apparat sentimental, social, culturel et politique 

fin 18ème à 1820
Rares sont les pièces de joaillerie du 18ème qui sont restées intactes. Les pierres étaient souvent déserties et le métal refondu pour s’adapter aux divers courants de mode. 
De cette période, nous pouvons revoir des boucles d’oreilles du type «girandole» ou encore appelé «chandelier». Un design typique de cette période. Une pierre large et un ruban ou dessous se trouvent trois gouttes poires. L’on trouve aussi des colliers en simple rivière, des broches fleurs.


La révolution française a contribué à la disparition de ces bijoux. Considérés comme un signe de l’Ancien Régime, ces bijoux devenaient obsolètes et vieillissants. Très peu de joaillerie fut produite durant la révolution.  
Son retour revenait à la normale durant le Directorat en France. L’idéal féminin fut de s’approcher de la pureté classique des statues grecques. Les robes étaient faites d’un matériau léger, révélant les courbes des corps, et dépourvues de tout accessoire ou ornement qui pourrait détourner l’attention. Le bijou qui pouvait s’associer à de tels designs devait être simple, géométrique et plat.



En 1800, la joaillerie était clairement à la mode et l’industrie produisit à nouveau des pièces pour l’aristocratie, cette dernière ne considérant plus le port de bijoux comme du mauvais goût ou contraire à l’esprit républicain
En 1803, Napoléon avait retrouvé presque tous les joyaux royaux et durant sa visite officielle au premier consul de Belgique, ils étaient à nouveau portés, pour la première fois depuis la révolution, à cette occasion par Joséphine.
A la cour et lors de cérémonies officielles, les parures devinrent à nouveau populaires. Les motifs grecs étaient à la mode, clés, feuilles d’acanthe, palmettes, volutes, feuilles d’olivier, arches et aigles. Les camées étaient également courus.
Les bijoux sentimentaux firent leur apparition. Portraits de l’être aimé, ou encore bracelets avec pierres avec un message, chaque lettre de l’alphabet correspondant à une pierre. La clientèle britannique fut très preneuse du bijou de deuil et de souvenir, la boucle de cheveu était souvent portée en bague ou en petit collier pour se souvenir soit de l’amour lié ou du souvenir. Lors de la période stricte de deuil, seul le jet était accepté.



Jusqu’au début du 19ème siècle, les pierres étaient toujours en serti clos ce qui avait pour but de leur rajouter sur leur fond un feuille de couleur, en anglais un foilback, pouvant ainsi changer les couleurs des pierres et de faire des accords de pierres. La brillance et le feu des diamants s’en voyaient très affaiblis. Au tournant du siècle, les joailliers commencèrent à utiliser la brillance des diamants en les sertissant en grains. Depuis lors, les diamants étaient invariablement sertis en serti ouvert. Un mélange de sertis grains et sertis clos existait.
Entre 1805 et 1810 la mode demandait à ce que l’on porte le bijou en abondance. Plusieurs bagues sur chaque main, plusieurs rangs d’or autour du cou ou en sautoir, multiples bracelets. A cette époque les boucles d’oreilles étaient portées longues. Pour les occasions importantes, la taille préférée était celle de la poire. En colliers, les camées étaient de bon goût et pour les grandes sorties ou occasions une rivière de diamants était de bon ton.
Les broches étaient de forme d’un soleil avec des rayons ou en forme d’étoile ou encore d’un croissant de lune, sertis diamants.





1820 - 1840
Après de longues années de guerre en Europe, les métaux précieux et les pierres se faisaient rares et très coûteux. Le bijou était alors fabriqué dans le but de faire beaucoup d’effet à un moindre coût. Les pierres fines étaient alors utilisées de plus en plus comme l’améthyste, l’aigue marine, le chrysobéryl.
Après 1835, un bijoutier parisien, du nom de Edouard Marchant, la méthode de la feuille d’or roulée devint son fer de lance et sa renommée. Principalement utilisée pour les broches, la technique s’empara des ateliers en France comme en Angleterre. Méthode principalement utilisée pour les noeuds des broches.
L’émail eut son envol, Genève étant la ville phare de ce savoir faire, émail, champlevé, guilloché, la couleur préférée était le bleu royal, suivi par le vert feuille. 


A partir des 1830 le romantisme  et l’enthousiasme pour la Renaissance s’afficha dans la littérature, les arts figuratifs et plastiques, la mode et la décoration. Des motifs gothiques apparurent.Le langage symbolique des fleurs fit son entrée. Les coiffes et coiffures firent leur entrée magistrale et les joailliers devaient alors faire preuve de créativité pour s’adapter aux modes capillaires. Les tiares s’adaptaient alors plutôt au visage qu’à la tête seule. Les tiares devenaient également broches, démontables et souples.
A cette période, les boucles d’oreilles était en taille poire, gouttes allongées.
Les colliers rivières étaient très communs dans les années 1820, serties soit de diamants ou de pierres fines tel que topazes, améthystes et citrines et parfois accompagnées d’un pendant ou de boucles d’oreilles taille poire. 
Entre 1820 et 1830 un grand nombre de colliers étaient produit avec des grenats, parfois avec un foilback rose à l’arrière de la pierre pour mieux faire ressortir la couleur du grenat qui tire sur le brun. 
En 1830, les longues chaînes étaient portées en grand nombre et de différentes manières: autour du cou, sur les épaules, à la ceinture ou dans le corsage. Vers la fin de la période, les colliers serpents arrivèrent en France, mais la folie autour du motif du serpent se déploya en 1840.
Les bracelets se portaient sur chaque poignet, même 2 ou 3 paires en même temps. Les bracelet «Jeannette» apparurent, réalisés d’un ruban noir et d’un fermoir en or. 







1840 - 1860
La nouvelle richesse acquise par la classe moyenne vers la moitié du siècle et l’affluence en masse des nouveaux matériaux par la découverte de l’or en californie et en australie, eurent une influence positive sur l’industrie joaillière qui prit son envol dans la deuxième moitié du siècle. 
En Angleterre, la reine Victoria devint une importante influence sur la mode. Ses bijoux étaient copiés à la cour. Les bijoux étaient alors portés en abondance et les ceux de sentiment avaient la cote. 


En France, Louis Napoleon donna à la vie sociale un regain d’intérêt dans le luxe après le reigne modeste de Louis Philippe. Des exhibitions furent créées et les joailliers français brillaient.
Le naturalisme s’installa en offrant des motifs de fleurs, branches, feuilles, grappes de raisins.



Hormis les diamants, les pierres préférées étaient les grenats almandite ainsi que les turquoises. Vers la moitié du siècle, les camées étaient à nouveau à la mode.


Le corail était à sa réussite entre 1845 et 1865 et porté dans toutes les formes possibles. La majorité du corail était réalisé en Italie, à Naples et à Gênes, les couleurs les plus populaires étaient le rose pâle et le rouge foncé.


La mode fin 1840 et début 1850  demandait des tailles serrées, des jupes amples et des décolletés très généreux en soirée. Le buste devint le point central de la joaillerie: broches, ornements de corsage et portés en même temps avec des fleurs. A cette époque la mode en coiffure a également changé. Les cheveux étaient séparés en deux parties et ramassés sur les oreilles, sous forme de boucles ou de mini chignons. Le port de boucles d’oreilles était alors dans cette mode assez restreint. 

Les colliers étaient portés près du cou. Le design typique était un serpent avec écailles en or et la tête en émail.



1860 - 1880
Les décennies entre 1860 et 1880 virent l’excentricité dans la mode. Les jupes, supportés par d’énormes crinolines, s’élargirent à des dimensions inconfortables, les décolletés lors des bals étaient généreux. 
Les cheveux étaient coiffés derrière les oreilles, rassemblés derrière la tête en cascade de boucles ou chignons. Les bijoux étaient aussi portés en abondance et les boucles d’oreilles eurent beaucoup de succès.  La France et l’Angleterre étaient les centres joailliers. Le second empire en France amena la mode des designs napoléons. Des tiares d’un tissage fin, monté avec des perles gouttes et des émeraudes gouttes, mais aussi la bijouterie avec camées firent leur grand retour. 
Dans les années 1870, la mode était aux pierres incolores, c’est à dire le diamant, ce dernier devenant la pierre par excellence. Vers les 1890, les pierres de couleur n’étaient plus d’actualité. L’exotisme plaisait également et les motifs d’oiseaux exotiques firent leur apparition. Corail, turquoise et grenats ornaient les camées. Pierres fines et perles faisaient leur apparition 
Une caractéristique de 1860 à 1870 était une approche nouvelle des pierres et du métal, en cela que ce fut alors la pierre qui déterminait le design et non le contraire. Dans les 1860, les étoiles étaient le motif le plus décoratif en bijouterie. Presque tous les fermoirs, broches ou bracelet avait une perle, un diamant ou une étoile émaillée en son centre. La mode des bijoux en forme d’insecte apparut dans les 1860, papillons, abeilles, libellules, araignées, mouches et coccinelles sont à la mode.









1880 - 1900
La fin du siècle était empreinte d'une réaction contre les bijoux fabriqués de manière mécanique. Les progrès techniques et la mécanisation rendit le bijou accessible aux masses mais en baissait la qualité. Les bracelets produits dans les dernières décennies du siècle, fait en or de très bas carat, au design répétitif, fait de manière grossière et aux finitions douteuses, ne pouvaient être appelés des bijoux. Le public ne tarda pas à ne plus  porter une multitude de pendentifs, toujours similaires dans leur dessin et des ensemble en or de très bas carat. 

La situation était commune dans toute l'Europe. En Angleterre, un mouvement rebelle contre l'excès victorien dans la décoration. Les jeunes femmes du mouvement Esthétique abandonnent tous les ornements et portent sur leurs robes simples des colliers d'ambre; elles apprécient également les bijoux indiens, avec leurs formes irrégulières ou leur pierres non taillées. 

L'apparat de jour était petit, délicat et non ostentatoire, les diamants disparurent du porter durant la journée. Le soir, la préférence était donnée à moins de bijoux portés mais à une belle pièce, très bien faite avec des pierres de qualité. 

L'Art Nouveau fut à son apogée de 1895 à 1910 avec pour maître René Lalique. Ce courant artistique embrassa tous les joailliers de la place, chacun proposant des motifs naturalistes et formes féminines à leur goût travaillant tous l'émail. 

René Lalique








A la fin des années 1880, les broches étaient un best seller, soit piquées dans le tulle ou portées dans les coiffes souvent livrée avec un accessoire permettant de la placer dans les cheveux. 
Presque en même temps apparut le motif d'étoile, à placer aussi dans les coiffes. Vers la fin du siècle , les insectes eurent beaucoup de succès, avec des abeilles, libellules et autres ailes. 


Le diamant blanc et taille brillant devient la pierre par excellence dans les 1870 et fut au plus haut dans les 1890. La pierre prenait plus d'importance par rapport à sa monture. Les grandes et lourdes montures furent remplacées par des sertis délicats ajourés qui permettaient ainsi la lumière de passer à travers la pierre.  Vers la fin du siècle, la mode était d'utiliser une grande variété de pierres précieuses et fines.

Le saphir Kashmir fit son apparition sur le marché au début des 1880. Le grenat démantoïde était souvent utilisé dans les bijoux naturalistes de 1880 à 1890. L'opale devient le compagnon à la mode du diamant dans bon nombre de bijoux délicats de fin de siècle. L'opale noire de Queensland, en Australie, arriva sur le marché dans les années 1880. La pierre de lune était également très utilisée par les designers d'art nouveau. 




Dans les années 1890, les perles et demi-perles étaient l'alternative préférée du diamant. Le lustre délicat de la perle et sa douce teinte allait parfaitement de pair avec les robes légères et soyeuses de la dernière décennie du siècle. La folie des perles atteint toute l'Europe, elles étaient portées en plusieurs rangs autour du cou ou dans les cheveux, combinées avec des rangs de diamants ou des plumes.

Alexandra, reine et épouse d'Edouard VII
Plusieurs rangs de perles enroulés ensemble

L'opale, le chrysobéryl oeil de chat ou l'oeil de tigre, la labradorite étaient gravées ou taillés en cabochon, afin d'exploiter leur caractéristiques propres et étaient audacieusement introduites dans la joaillerie. 

Les charms porte-bonheur ainsi que les prénoms ou noms écrits en diamants étaient en vogue lors d'occasions spéciales comme anniversaires ou grandes occasions. Le motif coeur continua à être apprécié, avec ou sans ruban, entièrement serti de diamants ou de pierres de couleur, pour une broche ou une bague. 

Un autre maître de cette période était sans aucun doute Carl Fabergé, le joaillier de la famille impériale de Russie. Hormis ses magnifiques oeufs, ses vases en fleurs ou ses animaux, il produisait également des petites éditions de bijoux, souvent dans un style français rococo. 


1900 - 1920


Ce n’est qu’avec la première guerre mondiale et la révolution russe de 1917 que l’Europe et l’Amérique mirent l’ancien siècle au passé. la première décennie du nouveau siècle fut caractérisée par une Europe retenant son souffle. Durant la guerre, très peu de joaillerie fut produite et les bijoutiers transformaient leur savoir en fabrication militaires ou se retrouvaient au front. Les métaux précieux devenaient très rares et interdits, dans beaucoup de nations, l’or était donné à l’état pour financer la guerre. 

La légèreté et la délicatesse des ornements du début du 20ème siècle n’aurait pas été possible sans l’apparition du platine en bijouterie. L’on peut remarquer que la bijouterie s’adaptait aux modes vestimentaires et qu’il fallait sans cesse créer des formes et idées qui allaient de pair avec la mode du moment. 
Lorsque le ballet russe de Diaghilev avec sa représentation de Schéhérazade eut lieu à Paris, cela fit sensation. L’opulence et l’éclat des costumes et de la scène, un orange vif, un vermillon, un bleu royal, un vert émeraude et l’or eu de tels effets que les couturiers se tournèrent vers l’Orient en quête d’inspiration. 




En bijouterie, cela s’exprima par des motifs fleur de lotus, plumes de paon et minarets stylisés.  Le couturier Poiret dessinait des lignes fluides, libérait les femmes de leurs corsets et soulignait leurs robes d’une simple ceinture ou ruban. Cette inspiration venue d’Orient fit que les bijoux étaient portés en abondance, chaque bras, doigt était paré d’un bijou.
La tiare est peut-être le bijou le plus emblématique de ce début du 20ème siècle. Apparat pour des occasions officielles et festives, la tiare était réservée à une élite au style exubérant. Outre le style «guirlande», favori de l’époque, le design préféré était celui de la tiare aux motifs géométriques grecs. En 1910, la tiare devint démodée à Paris, peu après également mise de côté à New York. Toutefois les dames de Londres continuèrent de les porter, suivant l’étiquette de la Cour.
Le bandeau, plus léger et plus fin, plus adapté aussi à la mode vestimentaire de l’époque, fit son apparition. Paul Poiret encourageait ces dames à porter une pièce centrale détachable, comme une perle ou un diamant poire pouvant ainsi l’utiliser comme broche ou pendant. En 1910, le platine était le métal favori pour le sertissage, surpassant l’or ou l’argent. 



la Reine Alexandra